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Sport, science & performance

Le sommeil en mer

Solene

30 novembre 2021

Armel Tripon, skipper et coach sportif pour le SommeilLab Bultex, évoque pour nous l’importance de bien dormir, en mer comme sur terre.

 


Bien dormir, c’est bien se reposer, et un cerveau bien reposé permet de mieux réfléchir et de faire les meilleurs choix stratégiques. Quand on a mal dormi ou trop peu on risque de manquer de lucidité, et ainsi, de prendre de mauvaises décisions. C’est donc vital pendant une course, mais aussi en amont.

 

D’ailleurs, depuis une vingtaine d’années, je travaille beaucoup sur mon sommeil. J’ai d’abord été suivi par le Centre de Pathologies du Sommeil à Nantes. Après, en 2010 ou 2011, mon sommeil a été enregistré et je l’ai refait récemment pour le Vendée Globe avec l’INSEP (L’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance). On a fait une cartographie de mon sommeil.

 

J’ai découvert que j’étais ce qu’on appelle un moyen dormeur, c’est-à-dire que je dors entre six et sept heures par nuit. À terre, si je peux, j’essaie de me coucher assez tôt, vers 23h, pour dormir efficacement en début de nuit et être levé de bonne heure. Je pratique également la sieste. Cela fait partie d’un entraînement, avant les courses. C’est presque une discipline. Pour partir en mer, il est essentiel de recharger ses batteries. Aujourd’hui, on sait qu’on peut accumuler du sommeil. Il est possible de se créer une réserve de sommeil, donc c’est important d’avoir une bonne hygiène de sommeil et de savoir repérer les portes qui vont permettre de s’endormir, pour mieux récupérer.

 

Il faut dire qu’en mer, on ne dort pas comme à terre. Au fur et à mesure des courses, j’ai pratiqué ce qu’on appelle le sommeil fractionné ou poly sommeil. C’est une technique proche de ce qu’était notre sommeil initial, quand l’homme des cavernes devait veiller le feu, surveiller les attaques de bêtes sauvages et qu’il dormait par petites phases. Nous, navigateurs, retrouvons cela, ces phrases ancestrales ancrées en nous.

 

Lorsqu’on est en dette de sommeil, on peut très vite être dans du sommeil efficace. Une nuit complète se divise en sommeil léger, paradoxal puis profond. Ces deux derniers, paradoxal et profond, sont utiles à la récupération mentale et physique. Quand on est en mer, on enchaîne des petites phases de vingt minutes, et quand on est un peu plus au large, de quarante minutes. Tout dépend du type de course.

 

Aussi, ces moments sont bons pour rêver. Comme on se réveille toutes les vingt ou quarante minutes, avec un enchaînement de sommeil paradoxal, on peut faire beaucoup de rêves, ce qui est assez agréable il faut dire.

 

En tous cas, d’année en année, j’ai appris à utiliser ce sommeil fractionné à bon escient en essayant de me connaître le mieux possible et de connaître mes portes du sommeil. J’ai pu obtenir une cartographie assez précise des moments où je vais récupérer le mieux, c’est à dire ceux où j’entre dans un sommeil profond. Ce travail avec des chercheurs m’a permis d’être plus précis dans mes phases de récupération. Le risque, en mer, lorsqu’on manque de sommeil, c’est qu’on peut très vite être sujet à des hallucinations. Après vingt-quatre heures de privation de sommeil, elles peuvent même aller très loin. Par exemple, pour moi, c’est assez graduel. Mes premières hallucinations sont auditives au départ. J’entends des sons, la radio, des sirènes, des bruits. Quand ça arrive, en général, c’est signe qu’il faut que je dorme. La phase d’après, c’est d’halluciner des scènes de vie. On peut voir du monde à bord, avoir des conversations avec des gens. Parfois, des parties du bateau prennent vie… J’ai déjà passé une nuit à discuter avec des gens de ma famille et au petit matin, je me suis rendu compte qu’il n’y avait personne. J’étais allé trop loin dans la privation de sommeil.

 

Les hallucinations c’est la zone rouge, mais parfois il arrive que les conditions météos soient tellement difficiles qu’il est presque impossible de dormir.

 

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